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Jean-François Lapointe est entré en poste à la direction artistique de l’Opéra de Québec entre les deux vagues pandémiques. L’énergique baryton, pour qui l’art lyrique se doit d’être aussi accessible que passionnant, a rapidement négocié un virage numérique. Rencontre avec un amoureux de l'opéra!

S'adapter à une pandémie

Un premier gala avec des interprètes de renom, le 25 octobre, a attiré 6 500 personnes sur diverses plateformes et un second, pour la Saint-Valentin, met de l’avant de jeunes talents d’ici. Déjà, cette programmation alternative, contrainte par le confinement, place les pierres d’assise de ses orientations artistiques. Fort d’une carrière internationale qu’il développe depuis 30 ans, il entend instaurer des partenariats avec des maisons d’opéra européennes. Il souhaite aussi donner des opportunités de briller aux jeunes interprètes québécois, comme l’a toujours fait l’Opéra de Québec. Lui-même enseigne le chant à l’Université Laval et donne des cours à distance à des chanteurs d’un peu partout dans le monde.

Surtout, il souhaite que l’art lyrique soit plus largement diffusé et soit à même de susciter les discussions et de capter l’intérêt d’un public aux intérêts variés. Sur le Web, grâce à des diffusions en ligne, des capsules numériques et des forums de discussion, mais aussi, lorsque ce sera possible, dans l’espace public, en multipliant les occasions de rencontre et les thématiques. « Mon but est de taper sur tous les clous. Il faut diffuser l’art lyrique pour que les gens comprennent que c’est accessible, que c’est beau, intéressant et moderne », expose Jean-François Lapointe.

Il se réjouit de s’inscrire dans une lignée de directeurs artistiques passionnés. Le hasard (ou le destin) a voulu qu’il joue dans Manon à l’Opéra de Québec au côté des deux directeurs artistiques qui l’ont précédé. Il tenait le rôle de Monsieur de Brétigny, Grégoire Legendre jouait Lescaut, alors que Guy Bélanger dirigeait la production. « Je suis quelqu’un de tradition et d’histoire. J’aime que les choses aient du sens. C’est absolument évident que je transporte un héritage, même si j’apporte ma personnalité, mon expérience et mes goûts », note-t-il.

Inscrire l'opéra dans le présent

Pour inscrire l’opéra dans le présent, il souhaite miser sur des scénographies et des mises en scène modernes, qui jetteront un nouvel éclairage sur le répertoire. Il veut aussi favoriser les créations, notamment pendant le Festival international d’opéra de Québec, « la plus belle carte de visite dont nous disposons », croit-il. Chaque année en juillet, la brigade lyrique arpente la ville, un opéra pour enfants est créé, les concerts agrémentés de viennoiseries font courir les foules et une production d’envergure est présentée au Grand Théâtre de Québec. De belles bases, que M. Lapointe veut développer encore davantage.

Le nouveau directeur entend aussi privilégier le répertoire français, sa spécialité, qui marie les textes de grands poètes, la musique de compositeurs virtuoses et le raffinement de la langue de Molière. Il est amateur d’opérettes, dont il aime l’humour et la fantaisie.

Un baryton d'exception

L’un de ses premiers souvenirs est justement d’avoir vu, à 6 ans, son père jouer dans La veuve joyeuse de Franz Lehár à Chicoutimi. Lui-même a eu la piqûre en interprétant un rôle dans La Grande-duchesse de Gérolstein, de Jacques Offenbach, alors qu’il était adolescent. Briguer le premier prix de trois concours de chant, dont celui de l’Opéra de Paris, a achevé de le convaincre de placer la barre haute. « J’ai décidé que j’en ferais un métier et j’ai aussi décidé de me rendre loin. D’avoir de l’envergure et d’aspirer à une carrière internationale. Je crois qu’il faut avoir un rêve et ensuite prendre les moyens de le réaliser », expose M. Lapointe.

Une production de Pelléas et Mélisande, montée par le metteur en scène renommé Peter Brooks, l’a amené à chanter dans toutes les grandes villes européennes, donnant « un premier élan important » à sa carrière. À l’aube du nouveau millénaire, il réalise toutefois un exploit qui marquera les esprits en apprenant en cinq jours (incluant un vol transatlantique) le rôle-titre d’Hamlet d’Ambroise Thomas à l’Opéra de Copenhague. Acclamé, il chantera ensuite à l’Opéra de Paris, à La Scala de Milan, au Deutsche Oper de Berlin… Le baryton a à son actif plus de 2 000 représentations dans une trentaine de pays. Il participe à 7 ou 8 productions par an, dont plusieurs nouveaux rôles. Maintenant qu’il est à la barre de l’Opéra de Québec, il compte réduire à trois. « La pandémie a tout arrêté, donc c’est la première fois depuis que j’ai amorcé ma carrière que je passe onze mois d’affilée au Québec, souligne-t-il. J’ai la chance de dormir peu et de pouvoir travailler beaucoup! »

Lanceur de projets, producteur de spectacles, administrateur, il a créé sa propre compagnie, Les productions Arioso, dans les années 90, avant d’être directeur artistique de la Société d’art lyrique du Royaume. « Pour moi c’était clair qu’un jour je m’occuperais d’un théâtre et que les opportunités viendraient. » De bien belles années semblent poindre à l’horizon pour l’Opéra de Québec.

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