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Photo : Marco Borggreve

Rencontrez le nouveau directeur musical de l'Orchestre symphonique de Québec, l'allemand Clemens Schuldt. Dans cette entrevue, il nous parle de son enfance, sa passion, son parcours et sa vision pour l'Orchestre et le public de Québec. Une occasion unique de découvrir ce chef passionné et dynamique, qui dirigera le premier concert de 2023 : le concerto pour violoncelle d'Elgar.

Maestro Schuldt, êtes-vous né avec une baguette de chef dans les mains?

(rire) Non, mais d’aussi loin que je me rappelle, la musique faisait partie de l’ADN de ma famille. Ma mère est un professeur de piano, en fait mes parents se sont rencontrés en jouant un piano à 4 mains. Ça été la technique de flirt de mon père. J’ai donc commencé très tôt à jouer de la flûte, du violon, un peu plus tard du piano à l’adolescence, je jouais du jazz, du classique… alors c’était vraiment partout dans ma famille.

L’idée de devenir un directeur musical de niveau professionnel est arrivée un peu sur le tard dans la deuxième moitié de ma vingtaine. Mon rêve était de devenir un musicien de chambre. Voyager à travers l’Europe avec le quartet de mes rêves, jouer ces pièces incroyables de Beethoven et Brahms. Bien sûr j’aimais aussi l’idée de diriger un orchestre, cela m’interpellait mais, j’avais un peu peur de me tenir devant ces musiciens incroyables et de leur dire quoi faire. Je n’avais pas ce problème avec le violon, car je jouais toujours avec des gens que je croyais juste un peu meilleurs que moi. J’étais ambitieux en tant que violoniste. Donc, j’avais besoin de temps pour grandir et mûrir suffisamment pour pouvoir guider des gens à travers une symphonie.

Puis j’ai rencontré ce très vieux directeur musical, Georges Alexander Albrecht, il était pour moi une figure qui connaissait tout de la littérature, de l’art, de la philosophie, il était un directeur, mais surtout un modèle. Le respect que j’avais pour lui, la figure imposante qu’il était m’a fait dire que je devais attendre d’être assez mature pour devenir un directeur, c’est arrivé autour de mes 26 ans. Et je vais vous donner une autre raison, je ne suis pas nerveux. Je ne suis pas nerveux sur scène, j’étais toujours un peu nerveux en tant que violoniste, mais dans une situation de concert comme directeur musical, mon âme se libère, toute ma respiration se libère, je ne fais qu’un avec la musique. Je n’ai pas à me soucier de la technique et de la sonorité de l’instrument. Cette sensation sur scène m’a fait dire que je devais en faire ma vie professionnelle.

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Photo : Marco Borggreve

Vous êtes un passionné?

Je suis un passionné et dans beaucoup de sphères d’activités, le sport, la cuisine, la musique, mais aussi passionné des gens, des amis et de ma famille. La passion est une de mes sources principales de motivation dans ma vie, je ne vivrais pas sans elle.

J’avais une soif insatiable d’apprendre dans la vingtaine. J’étais désespéré d’apprendre, de développer, d’être un artiste. Je trouve qu’en tant que violoniste je me sentais toujours limité parce que vous pouvez être un si grand musicien à l’intérieur, mais si les doigts ne jouent pas ce que vous ressentez dans votre tête, c’est complètement futile. Devenir directeur musical permet d’essayer d’y arriver, toute la musique, tous les sons, toutes les fantaisies que j’ai dans la tête, je peux les faire vivre.

J’ai commencé à la même université ou j’ai appris le violon, Düsseldorf, et j’avais un excellent professeur, Rudy Gabon, qui m’a tout appris sur la musique contemporaine. C’est très drôle, j’ai commencé à diriger Mozart, Haydn, et surtout de la musique contemporaine. Il m’a appris à libérer mon cerveau, à avoir un esprit libre. Il m’a montré comment étudier des partitions extrêmement complexes en bâtissant plein de superbes images dans ma tête qui guide, soit la conduite d’une symphonie classique ou une première performance d’une pièce d’un jeune compositeur.

Puis je suis allé à Vienne, la ville parfaite pour s’imprégner de l’histoire musicale. J’ai eu un très bon professeur, Mark Stringer, qui était en passant le chef assistant de Leonard Bernstein. Il m’a tout enseigné sur comment utiliser mes mains, les détails, la minutie. Pour enfin finir mes études à Weimar, probablement la meilleure école de direction en Allemagne actuellement, et peut-être en Europe. C’est là que j’ai appris à peaufiner ma technique, et à mûrir comme musicien avec le grand Nicolas Pasquet.

À quel moment votre carrière a-t-elle pris véritablement son envol?

Pendant mes études, je crois que c’était ma troisième année, j’ai gagné le Donatella flick conducting competition de Londres. À ce moment, j’ai dû jongler avec mes études d’un côté et lancer ma carrière internationale de l’autre, et c’est venu très rapidement, trouver un agent, trouver des orchestres qui croyaient en moi. J’ai voyagé énormément à cette époque. J’ai appris beaucoup, j’ai échoué beaucoup, j’ai développé beaucoup. C’étaient des années immensément intenses. Ça été comme ça pendant 5 ans, le temps que j’aie mon premier poste stable. De 2016 à 2021, j’ai été le directeur de l’Orchestre de musique de chambre de Munich, l’un des orchestres de chambre des plus innovants, des plus créatifs. Cela m’a donné de la stabilité dans ma vie, en plus de me donner l’opportunité de créer une identité propre avec un orchestre, une relation, et de programmer ce que j’avais vraiment envie de programmer. J’ai été vraiment chanceux.

Découvrez le style de direction musicale de Maestro Schuldt dans cette vidéo, notamment grâce à une caméra placée sur son pupitre!

Et maintenant l’Amérique!

Et maintenant Québec. Je suis venu une seule fois jouer avec l’Orchestre symphonique de Québec, où j’ai passé seulement 3 jours. Dès la première répétition de Don Juan de Strauss, je suis revenu à ma chambre avec une image en tête, celle du visage resplendissant des musiciens, des visages de bonheur, je me suis dit « WOW, je pense que ça a cliqué! » Nous avons un sens commun de comment on veut faire de la musique. Les musiciens étaient tellement attentifs, ils adoptaient presque instantanément et surtout de façon très volontaire les changements que je voulais apporter à ma vision du Strauss. Ils ont adhéré à cette vision que j’avais dans la tête et ça, c’est très important. Nous n’avons pas eu besoin de rejouer ensemble pour retomber en amour, ils m’ont adopté avant.

Pour la première année à l’Orchestre j’aimerais surfer sur cette vague d’enthousiasme. J’ai envie de capturer cette énergie et de la lancer dans la foule, cette fraîcheur de notre relation. Bien sûr je me dois de connaître mieux l’Orchestre et le public, car le but est de bâtir de la confiance. Je souhaite qu’on puisse dire : certaines personnes dans le public ne connaissent pas le répertoire, mais parce que c’est Clemens, ce doit être bon! Parce que nous savons que ses goûts sont accessibles, il fait toujours des choses excitantes. Cela serait vraiment un idéal à atteindre pour moi pour la première saison.


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