Photo de la chronique
Photo : Stéphane Bourgeois

Portrait de la nouvelle PDG du Grand Théâtre

Annie Talbot, la nouvelle PDG du Grand Théâtre de Québec, commence chaque journée en relisant une citation du peintre Vincent Van Gogh : «Il n’y a rien de plus réellement artistique que d’aimer les gens».

Cette phrase est au cœur de son engagement de longue date pour faire rayonner la culture, les personnes qui la mettent en lumière et les vies qu’elle illumine. Grâce à un dynamisme et un optimisme qui coulent de source, Annie Talbot a développé le talent particulier de rallier collègues et partenaires autour de projets inspirants et importants pour Québec, et au-delà.

Nous avons rendez-vous dans la salle Octave-Crémazie où, adolescente, elle venait parfois assister à des pièces de théâtre avec sa mère. «Le Trident, c’était sa sortie! C’est bien émouvant pour moi d’être assise ici», confie la nouvelle PDG, l’œil brillant. Les matinées symphoniques ont aussi ponctué son enfance, bien avant qu’elle joue un rôle clé à l’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) au début des années 2000. La polyvalente gestionnaire a grandi dans le quartier Duberger-Les Saules, où elle a fréquenté une école à l’architecture brutaliste — comme le Grand Théâtre, un lieu qu’elle admire depuis longtemps de l’extérieur et maintenant, de l’intérieur.

Un lieu qui brille et fait briller

Les images lumineuses ponctuent le discours d’Annie Talbot sur son nouvel environnement professionnel. «La recherche et la finesse du travail qui a été fait sur le bâtiment, c’est magistral, c’est d’une beauté! Les éléments d’architecture ont été magnifiés, illuminés. J’ai l’impression que le Grand Théâtre est enveloppé d’une nouvelle lumière», expose-t-elle. «Je trouve que ça a un bel écho avec la lumière qu’on apporte dans la vie des gens lorsqu’ils vivent des expériences culturelles.»

Elle aime que ces expériences, dont elle souhaite préserver la qualité et l’accessibilité, se déclinent en plusieurs teintes, pour toucher divers publics. «Se doter d’une institution comme celle-ci, c’est un choix de société qui marque profondément une ville et un tissu social. Le dynamisme culturel est un élément d’attractivité, de qualité de vie, de santé, de sens et c’est très précieux pour une population.»

Un parcours au service de la culture

Annie Talbot a d’abord travaillé en communications, puis en financement, en commandite, en marketing et en philanthropie, jusqu’à détenir tous les acquis pour assurer une direction générale avisée. Depuis 35 ans, son parcours l’a amenée entre autres au Carnaval de Québec, au Musée de la Civilisation, au Festival d’été de Québec et à la Société du Palais Montcalm.

«C’est la culture qui m’a choisie. J’ai compris que ceux qui assurent le fonctionnement des organisations culturelles font vraiment œuvre utile et qu’avec mon talent de gestionnaire, je pourrais aider à rendre les choses possibles pour les artistes», souligne-t-elle. Mère de quatre enfants qui font carrière en ingénierie, en théâtre, en marketing et en cuisine, Annie Talbot valorise toutes les passions qui rendent la vie plus douce, plus pertinente et plus complète.

Trois succès marquants

Parmi les projets qu’elle a portés au cours de sa carrière, trois se démarquent par leur ampleur et leur rayonnement.

Présenter la Symphonie des Mille aux Fêtes du 400e

En 2008, alors qu’elle était directrice générale adjointe de l’OSQ, Annie Talbot a contribué à la présentation de la Symphonie des Mille de Gustav Malher à l’occasion des Fêtes du 400e de la Ville de Québec. Rallier les gens autour de l’ambitieuse vision du chef Yoav Talmi a représenté tout un défi. «Ma fierté, c’est de n’avoir jamais baissé les bras sur le financement et d’avoir réussi à remplir le Colisée pour une œuvre peu connue.» Les mille artistes en répétition, le programme souvenir imprimé pendant la nuit, l’aplomb du maestro juste avant d’entrer en scène et le titre du Soleil le lendemain du concert, «Les célébrations peuvent maintenant commencer», sont pour elle de précieux souvenirs de ce moment grandiose.

Financer l’agrandissement du MNBAQ

À la tête de la Fondation du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) de 2010 à 2018, elle se souvient encore de sa première réunion pour le financement du pavillon Pierre Lassonde. «Rassembler 33 millions, c’était vertigineux, c’était le plus gros projet de mécénat culturel jamais fait à Québec», raconte-t-elle. Première employée de la Fondation, elle a construit l’appareil philanthropique en plein vol, tout en rassemblant des fonds, jusqu’à dépasser l’objectif fixé. Le geste architectural qui en a résulté est magistral. «Mais ce qui me rend le plus fière, ce sont les relations humaines que j’ai réussi à tisser, à l’interne et à l’externe, pendant la campagne. J’ai été portée par la mission et ça m’a convaincue qu’en équipe, on peut tout faire.»

Dynamiser les Plaines d’Abraham

De janvier 2021 jusqu’à sa nomination à la barre du Grand Théâtre, Annie Talbot a mis ses talents à profit à la Commission des champs de bataille nationaux pour mettre en valeur son important rôle culturel. «C’est un point d’ancrage, tout le monde a des souvenirs personnels, culturels ou sportifs liés aux Plaines d’Abraham. Il y a aussi un musée d’histoire et de patrimoine qu’il fallait redynamiser en faisant des expositions temporaires qui marient art et histoire», explique-t-elle. Les deux œuvres d’art d’artistes des Premières Nations installées bien en évidence au point le plus haut du parc ne sont qu’un des signes visibles de son travail de fond : affirmer, avec ambition, le potentiel d’un espace vert à forte valeur symbolique.

Pour une croissance saine

Nommée présidente directrice générale du Grand Théâtre à la fin de l’été, Annie Talbot a pu constater qu’elle prenait les rênes d’une organisation saine en matière de gouvernance, de financement et de performance.

Non seulement le nombre de spectacles diffusés augmente, mais l’établissement a continué d’innover et d’expérimenter. Pensons notamment au dôme installé devant le Grand Théâtre cet été, pour lequel plus de 26 000 billets ont été vendus. «Multiplier les expériences vibrantes et enrichissantes pour le public, c’est formidable, mais ça doit s’inscrire dans un cycle où il y a des moments de pause et de réflexion, indique toutefois la nouvelle PDG. Il faudra maintenir l’équilibre.»

Au cours des prochaines années, elle devra surtout gérer la croissance, une tâche pas aussi simple qu’il y paraît. «Ça vient avec beaucoup de défis. Il faut continuer de croître tout en continuant de respecter les individus et les résidents du Grand Théâtre», souligne-t-elle. L’institution qu’elle dirige agit comme un catalyseur dans la communauté artistique de Québec et du Québec. «On a ici des équipements et des expertises qui peuvent servir les plus grands artistes du monde, tout comme ceux qui commencent leur carrière. Je sais qu’on peut ouvrir beaucoup de possibles en affirmant notre rôle dans l’écosystème. Mais comment, ça, je ne le sais pas encore. J’ai bien hâte de le découvrir avec les équipes en place.»

Plus récentes chroniques