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Photo : Stéphane Bourgeois

Portrait du nouveau directeur de la programmation

Ayant creusé son sillon dans le milieu alternatif, Jean-Claude Anto a toujours carburé aux rencontres artistiques et aux découvertes. Le nouveau directeur de la programmation du Grand Théâtre de Québec entend rester fidèle à ses racines, tout en continuant de faire briller l’institution phare.

« Pratiquement tout, pour moi, a tourné autour de la musique et des spectacles », raconte Jean-Claude Anto, lorsqu’on l’invite à revisiter le parcours qui l’a mené à son nouveau poste.

La conversation se déroule au STUDIOTELUS, un des lieux où il aime provoquer des rencontres et dont la création concorde avec son embauche au Grand Théâtre, en 2019. Sa trajectoire, tissée d’intuition et de curiosité, raconte autant une passion qu’une vision : celle d’un passeur convaincu qu’on peut toujours avoir plus d’art et de moments de synergie dans sa vie.

Justin Saladino au STUDIOTELUS par Stéphane Bourgeois
Justin Saladino au STUDIOTELUS par Stéphane Bourgeois

Des platines à l’organisation de spectacles

À 16 ans, Jean-Claude Anto découvrait déjà les coulisses de la musique, derrière le comptoir d’un magasin de disques de l’Estrie. Au début des années 2000, il s’installe à Québec : « J’avais de très bons amis ici. Le bar où j’étais DJ à Sherbrooke avait été inondé et était fermé. Je me suis dit : bon, j’y vais. »

Il retrouve ses marques chez le disquaire indépendant Platine, où convergent les amateurs de punk, de rap et d’électro, et où les artistes déposent leurs démos et leurs affiches de concert. Rapidement, il s’implique sur la scène locale : « Ce n’était pas réfléchi, ce n’était pas un objectif d’organiser des spectacles, ça s’est fait de fil en aiguille, et il s’est avéré que j’étais bon là-dedans. »

À la Galerie Rouje et au bar L’Arlequin, qui ont marqué la vie culturelle de la capitale, il multiplie les soirées où tout peut arriver. Saisir les occasions de créer des moments uniques devient sa marque de commerce. « C’était l’énergie qui me plaisait, et c’est encore ça qui me drive beaucoup : l’électricité qui se dégage des artistes, explique-t-il. Quand ils ont le feu et du cœur au ventre, ça vient me chercher, peu importe la discipline. »

Agent de la scène alternative

À une époque où la ville manquait de lieux pour diffuser les musiques émergentes, Jean-Claude Anto fait partie de ceux qui changent la donne. Il cofonde, en 2006, le festival Antenne A, vitrine de l’avant-garde et des projets en développement. « On a été des acteurs importants pour stimuler un engouement pour la scène alternative et dire à des artistes : “Heille, ça se passe à Québec !” »

Puis vient Le Cercle, devenu en quelques années un pilier de la vie culturelle, où Jean-Claude Anto agit comme programmateur. « Tu veux savoir si on savait ce qu’on faisait ? Pas du tout. » dit-il en riant. Ce lieu hybride, à la fois resto, salle de spectacles et espace d’idées, attire une faune bigarrée. « Il y avait des gens d’affaires de la basse-ville, des artistes en train d’enregistrer un album, parfois Jean Leloup au bar, un champion boxeur qui passait… c’était un lieu de rencontre formidable. » Il y bâtit d’ailleurs un important réseau de contacts, auquel il fait encore appel aujourd’hui.

Voir l’industrie de l’intérieur

En 2014, Jean-Claude Anto traverse la clôture et se joint à Coyote Records. « J’étais encore plus proche des artistes. On était producteurs, donc on organisait les sorties d’albums, les tournées… » Cette expérience l’amène à collaborer, entre autres, avec Klô Pelgag, Karim Ouellet, Antoine Corriveau et Alfa Rococo, et lui donne une compréhension fine des rouages de l’industrie.

Deux ans plus tard, il rejoint ComediHa!, où il plonge dans la distribution et la vente de contenus télévisuels en humour. « C’était super intéressant, mais rapidement, je me suis mis à m’ennuyer de la diffusion », note-t-il. C’est une conversation avec Michel Côté, alors directeur de la programmation du Grand Théâtre, qui rallume l’étincelle. « Je lui ai dit que si quelqu’un m’offrait un poste en diffusion, je ne dirais pas non. Et il m’a répondu qu’il avait peut-être quelque chose pour moi. »

Au carrefour des disciplines

Entré au Grand Théâtre de Québec en 2019 comme coordonnateur de la programmation, Jean-Claude Anto s’imprègne du lieu, apprend à naviguer entre les saisons des organismes résidents et les projets propres au Grand Théâtre. « La beauté de travailler ici, c’est qu’il y a presque toutes les disciplines », souligne-t-il.

Sa curiosité trouve là un terrain fertile, notamment en danse contemporaine, un domaine qu’il n’avait jamais exploré professionnellement. Le passionné de musique est aussi amateur de théâtre — art qu’il a étudié au cégep — et d’humour, depuis qu’enfant il a assisté aux spectacles de Sol. Il accorde aussi prestations musicales et arts numériques lors de vernissages au STUDIOTELUS, où le caractère exceptionnel du bâtiment est à l’honneur et d’où l’on voit aussi un pan de la célèbre murale monumentale de Jordi Bonet qui orne trois murs du Grand Théâtre. « Dès que les artistes se mettent à jouer, ça crée une bulle. Souvent, ils sont touchés d’être près de la murale de Jordi Bonet. Moi-même, je suis encore très ému par cette œuvre-là. »

Jean-Claude-Anto-par-Stéphane-Bourgeois
Jean-Claude Anto par Stéphane Bourgeois

Allier excellence et ouverture

Son arrivée récente à la direction de la programmation marque une continuité naturelle : il connaît la maison, ses équipes et son public. « Il y a beaucoup de possibilités. Je faisais un peu de programmation dans mon rôle de coordonnateur, mais maintenant je peux partager ma vision davantage. » Ce qu’il souhaite? Poursuivre la diversification, accorder davantage de place aux projets émergents et à la scène locale (au jazz, notamment), sans perdre de vue les artistes établis. Il aimerait aussi bonifier des rendez-vous qui font du Grand Théâtre un lieu accessible et de découverte. « Comme les Croissants-musique, une série extraordinaire, gratuite, les dimanches matin, où le public vient souvent par curiosité, mais reste jusqu’à la fin », donne-t-il en exemple.

Borrkia Matti durant les Croissants-Musique par Stéphane Bourgeois
Borrkia Matti durant les Croissants-Musique par Stéphane Bourgeois

Dans son nouveau rôle, Jean-Claude Anto souhaite toujours offrir l’excellence et l’ouverture propres au Grand Théâtre et continuer de faire ce qu’il fait depuis vingt ans: créer des moments de connexion qui font vibrer les foules.

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