Un pont entre le passé et l'avenir
Un livre sur les 50 ans d'histoire du Grand Théâtre est lancé : plongez dans les coulisses de cet ouvrage colossal!
Un legs pour les générations futures
De la construction de son enveloppe de béton à la création de son nouvel écrin de verre, le Grand Théâtre de Québec a accueilli de nombreuses innovations. Les arts et les publics y convergent et contribuent à y créer des moments marquants depuis maintenant plus de 50 ans. Un jalon que Gaétan Morency, président-directeur général de l’institution, a souhaité marquer avec la publication d’un livre généreux et accessible.
Intitulé Le Grand Théâtre de Québec. L’histoire vivante d’une scène d’exception, l’ouvrage a été rédigé sous la direction de deux auteurs de Québec : Louis Jolicœur, qui signe aussi l’introduction et la conclusion, et André Morency, responsable du texte consacré à la musique populaire. Publié aux Éditions du Septentrion, spécialisées en histoire et logées au cœur de Place Royale, le livre rassemble une vingtaine de plumes enthousiastes à la mémoire longue.
« C’est un legs, un peu comme le Grand Théâtre a été un legs du centenaire de la Confédération, indique Gaétan Morency. Le projet nous permet de faire le point pour les générations futures. » D’entrée de jeu, les textes que signent respectivement les historiens Alex Tremblay Lamarche et Jonathan Livernois permettent au lecteur de découvrir le contexte historique qui a précédé l’avènement du Grand Théâtre et qui a conduit à sa naissance mouvementée.
Le grand livre, imprimé en couleurs, contient beaucoup d’images (photos, affiches, publicités, coupures de presse) et aborde chacune des disciplines artistiques présentes au Grand Théâtre. Même si une bonne partie des auteurs du livre ont (ou ont fait) partie du corps professoral de l’Université Laval et du Conservatoire de musique de Québec, le livre s’adresse bel et bien au grand public, assure André Morency.
Dans l'action, culturelle et politique
« On a demandé aux auteurs de faire un portrait de la programmation, de sortir les moments marquants et d’essayer, dans la mesure du possible, de montrer les liens entre ce qui a été produit et diffusé au Grand Théâtre et ce qui se passait au Québec durant la même période, explique-t-il. Ça permet de voir comment les arts de la scène ont participé à la vie collective. »
Ce touche-à-tout passionné, qui a commencé sa carrière en construisant des décors de théâtre, a écrit sur les 20 ans du Théâtre du Trident et sur les 50 ans du Festival d’été de Québec. Il a rédigé durant plusieurs années les rapports annuels du Grand Théâtre, en plus d’avoir composé des textes pour ses 25 ans. Il allait de soi qu’il soit impliqué dans ce jubilé.
« J’ai le Grand Théâtre tatoué sur le cœur, déclare-t-il. Parce que c’est un lieu d’audace, de résistance, et à cause de tout ce qu’il a représenté après la Révolution tranquille. »
À cause du rôle important qu’il a joué dans le développement du milieu culturel de la grande région de Québec, mais aussi par son positionnement près de la colline Parlementaire, le Grand Théâtre a été maintes fois au cœur de l’action. Les manifestations des carrés rouges, les affrontements du Sommet des Amériques et, plus récemment, le cortège des camionneurs se sont déployés aux abords de l’institution.
Lors des périodes de difficultés économiques, le Grand Théâtre a joué un rôle clé, souligne André Morency. « Il a toujours pris son rôle de moteur de la vie culturelle à cœur, il prend des risques, il doit notamment faire des choses que d’autres diffuseurs ne peuvent pas faire. Présenter de la danse en est le parfait exemple », indique le codirecteur de la publication. Le texte consacré à la danse par l’auteur Bernard Pelchat, membre de l’équipe du Grand Théâtre pendant plusieurs décennies, en fournit un portrait éloquent.
La lorgnette de la musique populaire
Les liens entre les spectacles et les mouvements sociaux sont particulièrement frappants lorsqu’on suit l’évolution de la musique populaire, note André Morency, qui s’est plongé avec curiosité dans la presse de l’époque. « Les archives du journal Le Soleil ont été une mine d’or. Particulièrement dans les années 70, souligne-t-il. Il y avait de sacrés bons critiques, déjà, comme Martine Corriveau par exemple. »
Il tient en grande estime Michel Côté, qui orchestre la programmation depuis 1999, après dix années passées au service des communications. On lui doit bon nombre de témoignages d’artistes recueillis pour le livre.
Parmi les moments marquants, André Morency évoque les spectacles d’Harmonium dans les années 70, alors que de nombreux groupes devenaient les figures de proue de la musique québécoise, et ceux présentés par de nombreux collaborateurs de Miles Davis, tels John McLaughlin, Keith Jarrett, Wayne Shorter et plusieurs autres. Il raconte aussi la compétition amicale entre Jean Lapointe et Yvon Deschamps, qui rivalisaient pour avoir le plus grand nombre de dates au Grand Théâtre.
Plus que jamais soucieuse de soutenir la musique émergente, l’institution a fait connaitre, depuis le début des années 2000, de nombreux artistes qui développent des langages musicaux de pointe, tels, récemment, les groupes Misc, Fuudge et Yoo Doo Right.
L’art ancré dans les murs
Plus récemment, l’ouverture du STUDIOTELUS fournit une nouvelle tribune musicale tout en permettant de présenter des œuvres d’art numérique d’envergure — un volet sur lequel la commissaire Ariane Plante rédige un chapitre.
La bâtisse elle-même intègre plusieurs disciplines artistiques. Ainsi, l’architecte Éric Pelletier, qui a conçu la nouvelle enveloppe de verre, y aborde son processus créatif. Également architecte, Martin Dubois, spécialiste du patrimoine bâti, fait découvrir au lecteur l’histoire et la nature de l’édifice conçu dans les années 1960 par Victor Prus. Le professeur de cinéma Jean-Pierre Sirois-Trahan et l’historien de l’art Sébastien Hudon cosignent un chapitre sur la murale de Jordi Bonet, façonnée à même les murs intérieurs de l’édifice. « Un texte admirable, qui va permettre aux gens de découvrir plein d’éléments, souligne le PDG du Grand Théâtre. Ils font une lecture qui me fait penser à une analyse poétique. C’est une œuvre en soi, un plaisir de tous les instants comme lecteur! »
Femmes de théâtre
En théâtre, avant Anne-Marie Olivier, les directrices artistiques comme Marie-Thérèse Fortin (Trident) ou encore Marie Gignac et Brigitte Haentjens (Carrefour international de théâtre) se démarquaient à des époques où peu de compagnies étaient dirigées par des femmes. Ce sont Chantal Hébert et Irène Roy, spécialistes du théâtre, qui signent le texte au sujet de cette discipline dont l’existence à Québec ne tenait plus qu’à un fil avant l’ouverture du Grand Théâtre et du Trident.
« Le Trident a vraiment mis un frein à l’exil des acteurs et scénographes vers la métropole, souligne André Morency. Le fait que les artistes développent leur pratique à Québec a ensuite mené à la création la création de nombreuses troupes et compagnies, de même que plusieurs nouvelles salles de spectacles. Le Grand Théâtre de Québec me fait penser à l’arbre autour duquel se développe la forêt. »
La vitrine offerte sur la création locale et internationale a fait rêver des jeunes, dont Robert Lepage, qui signe la préface du livre. « Son coup de cœur est un spectacle de Genesis en 1973, où Peter Gabriel avait conçu des costumes, des accessoires, et racontait des histoires, dans une scénographie avec des éclairages élaborés. Ça lui a fait découvrir sa vocation », indique André Morency.
D’autres anecdotes du fondateur de la compagnie Ex Machina, qui a marqué l’histoire du Trident et a collaboré plusieurs fois avec L’Opéra de Québec, ponctuent le livre, tout comme les témoignages d’artistes tels Lorraine Côté, Richard Desjardins, Louise Lecavalier, Anne-Marie Olivier, Tire le Coyote, Elisapie Isaac, Richard Séguin, Patrice Michaud, Marie-Thérèse Fortin et des dizaines d’autres.
On retrouve aussi, intégrés au texte fort éclairant que signe l’auteure Brigitte Trudel au sujet de la programmation en humour, les témoignages de deux humoristes fétiches du public du Grand Théâtre : Boucar Diouf et Fred Pellerin.
Des espaces pour les résidents et partenaires
« Le Grand Théâtre a permis, en 1985, qu’il y ait un Opéra à Québec », rappelle Gaétan Morency. La scène à l’identique de celle du Metropolitan Opera favorise les coproductions avec la prestigieuse institution new-yorkaise, ce qui n’est pas banal. Les musicologues Bertrand Guay et Irène Brisson consacrent un chapitre à l’Orchestre symphonique de Québec, à l’Opéra de Québec, au Club musical et au Conservatoire de musique, quatre organes vitaux du domaine de la musique classique dans la région.
« Je crois que beaucoup de monde à Québec ne sait pas encore que le Conservatoire [de musique] est adjacent au Grand Théâtre », indique André Morency, avec raison.
Alors que les spectacles les plus variés sont présentés à l’intérieur de l’édifice, l’extérieur offre aussi plusieurs possibilités dont il est question dans la postface du livre, que signe Gaétan Morency. Pensons seulement au potager installé dans la cour intérieure qui, en plus de réduire les effets de l’îlot de chaleur et d’améliorer l’environnement urbain, est un bel apport communautaire. En effet, les récoltes annuelles permettent d’offrir des aliments sains et frais à des gens défavorisés. L’engagement du Grand Théâtre auprès de sa communauté constitue un des objectifs importants visés par les responsables du carrefour culturel pour son second demi-siècle d’existence.
Comment se procurer le livre sur le Grand Théâtre?
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