La Géante : un nouveau regard sur La Poune

UN HOMMAGE VIBRANT À LA POUNE

Que ce soit au théâtre, à la télé, au cinéma ou sur disque, La Poune a fait rire des générations de Québécois avant son décès en 1996. Le Théâtre de l’œil ouvert lui rend ici un hommage chaleureux dans La Géante.

Outre Gabrielle Fontaine, le spectacle met en vedette Simon Fréchette-Daoust, Rita Tabbakh, Christian Laporte, Jade Bruneau (qui assure aussi la mise en scène), Émanuel Frappier, Philippe Robert et Stéphanie Arav, en plus de trois musiciens. L'idée originale, le texte et les paroles des chansons sont de Geneviève Beaudet, alors qu'Audrey Thériault en signe la musique. La Géante a vu le jour en grande première à l'été 2024 à Joliette et poursuit depuis sa tournée.

POÉSIE ET HUMOUR

La Géante n'est pas une biographie classique. L'ensemble se veut très poétique, selon Gabrielle Fontaine, que l'on connaît aussi pour son rôle de Passe-Careau dans l'actuelle mouture de Passe-Partout. On y suit Rose Ouellette de l'âge de 10 ans jusqu'à la quarantaine.

« Ça se voulait un peu dans l’esprit du film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain : nous souhaitons montrer que cette femme-là a mis de la vie, de la lumière, du rire un peu partout sur son passage, peu importe les gens qu'elle a rencontrés », ajoute la comédienne, qui parle aussi de « conte fantastique ».

« C'est très dur à décrire parce qu'il y a énormément d'humour là-dedans. On n'a pas le choix, il s’agit de La Poune! », dit l'interprète du rôle-titre. L'émotion sera toutefois au rendez-vous, promet-elle. « Le comique et le dramatique se mélangent énormément. Dans le même spectacle, on rit et on pleure ».

Et pas besoin d'avoir connu La Poune pour apprécier cette production! Celle-ci plaira à un vaste public, selon Gabrielle, spécialement aux amants de l'histoire, de la musique, des mots et de l'humour. Ceux qui la connaissent auront, quant à eux, l'occasion de la découvrir davantage, dit-elle.

L'ÉLITE

Des personnages sont fictifs, alors que d'autres sont des amalgames de gens qui ont marqué le parcours de Rose Ouellette.

On croisera, entre autres, le cireur de chaussure, le cheminot, le joueur d'orgue de Barbarie (dans la vraie vie, la petite Rose suivait effectivement un tel musicien dans la rue) et un duo de méchants surnommés « les Péteux », qui représentent l'élite.

La Poune a fait ses débuts sur scène en 1920 dans des spectacles burlesques et de vaudeville. Aujourd'hui, le terme « burlesque » a une connotation plus sexy, mais à l'époque, on parlait plutôt de sketchs comiques et numéros de variétés, soit des divertissements que certains regardaient de haut.

« C’étaient des spectacles qui étaient créés la veille ou la journée même », explique Gabrielle, en précisant que, pendant 17 ans, La Poune a joué sept jours sur sept au rythme de deux représentations quotidiennes! Elle et ses comparses faisaient ça avec énormément de cœur.

« C'était méprisé par l'élite, mais ce qu'on découvre aussi dans La Géante, c'est que l'élite finissait quand même par y aller, dans le fond de la salle avec des lunettes fumées... La Poune attirait tout le monde. C'était très rassembleur », dit l'interprète.

La Poune a longtemps été stigmatisée et caricaturée. Grâce à La Géante, l'autrice Geneviève Beaudet et le Théâtre de l’œil ouvert redonnent ses lettres de noblesse à « cette grande dame de notre industrie ».

UNE FEMME AU DESTIN NON CONFORMISTE

La Poune a défié les conventions sur les plans personnel et professionnel. Dans La Géante, on rencontrera donc aussi le personnage de Gigi (Jade Bruneau) qui était son grand amour et sa conjointe.

Mariée en 1926 à un comédien d'origine française, Rose donne naissance à une fille en 1928. Elle quitte toutefois son époux en 1929 pour ensuite fréquenter sa secrétaire Gertrude Bellerive. La relation durera jusqu'à la mort de Gertrude au début des années 70.

Celle-ci était connue des proches de Rose et du milieu artistique, mais pas du grand public, à une époque où l'homosexualité était taboue, voire criminelle. Sa petite-fille parlera ensuite ouvertement de cette romance plusieurs années après le décès de sa grand-mère.

« Ça a été la grande histoire d'amour de sa vie. Gertrude Bellerive est décédée beaucoup plus tôt qu'elle, vers 65 ans, tandis que Rose est décédée à 93 ans, et ç'a toujours été son seul et unique amour. C'est une très, très belle histoire », raconte l'interprète.

Côté carrière, Rose Ouellette était une pionnière alors que les femmes étaient avant tout épouses et mères. En plus de jouer, elle a dirigé deux théâtres montréalais : le Cartier, dès 1928, et ensuite, le National de 1936 à 1953. Ces faits trouvent évidemment écho dans le spectacle.

Avant tout, La Poune souhaitait faire rire sans être le faire-valoir d'un homme. « Elle voulait, être LA drôle », lance Gabrielle. Rose avait d'ailleurs toujours eu cette envie de divertir depuis sa tendre jeunesse.

LA GENÈSE DE LA GÉANTE

L'idée originale de La Géante est venue de Geneviève Beaudet. « C'est vraiment elle qui a pensé (au concept). C'était un peu dans la suite de ce que fait le Théâtre de l'œil ouvert, c’est-à-dire (créer) des spectacles sur les femmes marquantes du Québec », explique Gabrielle Fontaine, tout en citant en exemple les productions autour de Diane Dufresne (Belmont), Clémence DesRochers (Clémence) et La Corriveau – La soif des corbeaux.

Lorsque Gabrielle a été approchée par la metteure en scène et productrice du Théâtre de l’œil ouvert, Jade Bruneau, elle était très surprise car elle imaginait une humoriste pour ce rôle. Les aptitudes pour le chant de l'interprète, qui a joué dans des comédies musicales et qui a déjà collaboré avec la compagnie dans le passé, avaient notamment attiré l'attention des responsables.

Dans La Géante, « il y a énormément de chansons. C'est aussi pourquoi on m'a approchée pour ce genre de projet-là. Tous les personnages — on est huit comédiens sur scène —chantent. Tout le monde vient de l'univers de la comédie musicale ».

On lui a ensuite parlé de l'approche, qui l'a séduite. La production voulait mettre de l'avant « la petite femme-lumière qui fait sourire les gens, qui met de la vie, qui n’a pas peur, de foncer. C'est ça qu'elle voulait venir chercher en moi ».

« Jade m'a convaincue que j'étais la bonne personne pour faire ça. Je me suis dit que c’était un immense défi et que j’avais envie de plonger dans l'aventure. J'ai donc beaucoup étudié La Poune, son parler, ses expressions, ses accents. J'ai tout noté pour pouvoir un peu m'en imprégner et ensuite, en faire ma propre interprétation, me décoller de l'imitation, mais garder son essence. » Pour incarner La Poune, Gabrielle Fontaine a donc tenu à s'éloigner des clichés et de la caricature.

« Le plus beau commentaire que je me fais dire depuis le spectacle, c'est par des gens qui l'ont connue, souvent des personnes plus âgées, qui l'ont plus connue et qui me disent ''Elle était là, je l'ai vue'' », conclut-elle.

Le théâtre musical La Géante sera présenté à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec le 14 novembre 2025. Venez découvrir ce personnage plus grand que nature!