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Photo : Olivier Savoie Campeau

Musiciens et acteurs feront résonner les mots de Marc Favreau dans Esstradinaire Esstradivarius - Sol en chansons le 8 juin 2025 au Grand Théâtre de Québec.

Grand concert théâtral

Esstradinaire Esstradivarius - Sol en chansons est un grand concert avec une touche théâtrale. Il s’appuie sur les mots de Marc Favreau et de son personnage emblématique, Sol, ce lumineux clown clochard qui observe le monde avec des yeux d’enfant et une profonde sagesse.

Le musicien Maxime Auguste a transformé ses textes en chansons, puis a invité d’autres voix à les chanter sur disque. Avec l’homme de théâtre Philippe Robert, il donne maintenant forme au projet sur scène. Un petit orchestre et trois acteurs chevronnés — Alexis Martin, Ève Landry et Guillaume Favreau — donnent un nouveau souffle à la prose ludique et allumée de Marc Favreau.

Coup de cœur pour Sol

Tôt dans sa vie, Maxime Auguste a eu un coup de cœur pour les textes de l’artiste inclassable en le découvrant dans un livre, à l’école primaire, et en entendant ses monologues à la télévision. L’alliage d’intelligence, de candeur et d’humour l’a conquis.

« Enfant, je me suis beaucoup associé à sa façon de voir le monde. Avec le temps, toutes les dimensions critiques, sociales, et sa manière de jouer avec les mots ont contribué à maintenir mon intérêt pour le personnage et pour l’œuvre », raconte le compositeur.

Philippe Robert garde pour sa part un vif souvenir de Sol narrant un concert de Pierre et le loup à la Maison des arts de Laval : « J’avais mon coffret avec l’intégrale de ses textes, j’étais un fan. » Il a aussi vu la dernière série de spectacles de Marc Favreau au Gesù.

Pour lui, Esstradinaire Esstradivarius est une occasion de célébrer un artiste très important dans notre patrimoine culturel qu’on entend de moins en moins. «Pourtant, il parle de choses brûlantes d’actualité : de crise économique, de conflits, d’injustices, d’émancipation féminine, de milliardaires dictateurs, expose le metteur en scène. Oui, il maniait la langue comme pas un, mais c’était toujours au service d’un propos.»

Amoureux des planches

Acteur de théâtre et monologuiste aguerri, Marc Favreau avait la piqûre de la scène. Cet univers est d’ailleurs l’un des fils conducteurs du spectacle. « C’était sa vie, sa deuxième maison, note Philippe Robert. Il a beaucoup réfléchi à cette posture, au vertige qu’on s’inflige comme artiste lorsqu’on se présente devant un public. »

Marc Favreau écrivait souvent les texte de Sol à la dernière minute, puis apprenait ses monologues juste avant de monter sur scène. « Ce côté-là de sa vie était très jazz », résume Maxime Auguste. Cette manière de garder les mots vivants infuse le spectacle. «Tout est très organique, ajoute Philippe. Il rebrassait constamment ses textes, à l’image de ce qu’on fait musicalement. »

Filons musicaux

Maxime Auguste, qui avait déjà exploré l’univers de Favreau avec la compagnie ExLibris dans L’enfance de l’art - Doigts d’auteur de Marc Favreau, a cette fois plongé encore plus loin. Son travail musical, amorcé à la guitare, s’est enrichi progressivement de différentes sonorités, en collaboration avec le directeur musical du spectacle Guido Del Fabbro.

Il a aussi puisé dans la vie de Favreau (qui jouait de la trompette) et fait des clins d’œil à ses goûts musicaux — du jazz à la chanson populaire, en passant par la musique classique et Bob Dylan, d’après ce que son fils Patrice lui en a dit.

Le comédien Gabriel Favreau, quant à lui, touche pour la première fois à l’œuvre de son grand-père. Il en parle comme d’un homme aimant travailler de ses mains qui très proche de la nature. « Assez sérieux, loin du côté fantaisiste de son personnage de scène », témoigne Maxime Auguste.

Se libérer du personnage

Créé en 1958, Sol a marqué des générations avec l’émission Sol et Gobelet, puis avec ses monologues à la croisée de l’humour et du théâtre. Mais pour Esstradinaire Esstradivarius, les créateurs ont choisi de s’en détacher.

« Enlever Sol, c’est enlever une dimension déjà exploitée, explique Maxime Auguste. On peut sublimer le comique, tirer sur d’autres ficelles, éclairer les couches en dessous. » Pour Philippe Robert, cette prise de distance amplifie la portée des textes : « Mis dans d’autres bouches, ils résonnent autrement. La force du propos apparaît plus clairement. »

Évocation et voyage scénique

Le spectacle mise sur l’évocation. « Sol va être partout et nulle part, dit Philippe Robert. Il n’y aura pas de roulement de « r », on ne l’imitera pas. » Sa présence se fera sentir dans le choix des textes, dans l’humour, dans l’intelligence du regard posé sur le monde.

Pour faire de ce spectacle un véritable voyage, les concepteurs ont imaginé une suite de tableaux qui contiennent 17 chansons et des extraits de monologues. L’univers de Favreau s’y déploie en différentes couleurs et motifs, comme dans une courtepointe.

Deux objets fétiches évoqueront le célèbre clown, la cravate et la poubelle. Chaque interprète porte une cravate rapiécée différente — clin d’œil à l’élégance décalée du personnage. Quant à la poubelle, elle sera à l’origine de plusieurs surprises. « Ce n’est pas du tout un objet noble, mais c’était la seule compagne de scène de Sol. Sa meilleure amie. Ce paradoxe est riche », souligne Philippe Robert. Jouer avec les références sans les figer, rappeler sans caricaturer, voilà l’objectif.

Un spectacle pour tous

Comme les paroles de Sol, le spectacle s’adresse à un large public et traverse les générations. « C’est un spectacle fait avec le cœur, concluent Philippe Robert et Maxime Auguste. Il y a quelque chose dans l’œuvre de Marc Favreau qui nous interpelle très intimement, et on espère le célébrer à la hauteur de ce qu’il représente pour nous. »

Le spectacle Esstradinaire Esstradivarius - Sol en chansons sera présenté le 8 juin 2025 au Grand Théâtre de Québec.

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