Photo de la chronique

Sophie Cadieux nous partage ses plus récentes découvertes et sources d’inspiration dans cette nouvelle chronique de la série Curieux de Culture, cette fois entièrement dédiée aux créatrices qui ont un impact sur sa façon de voir le monde.

Amours plurielles

La comédienne aime célébrer et faire découvrir la culture sous toutes ses formes. Autrice, metteure en scène et improvisatrice chevronnée, elle a tenu de nombreux rôles au petit écran dans Watatatow, Lâcher prise, Minuit le soir, Dors avec moi et Bête noire, notamment, en plus de faire du cinéma et du doublage.

Surtout, elle mène une prolifique carrière au théâtre, tant dans des pièces de répertoire que dans des créations. Elle fait partie des dix têtes pensantes et créatrices de la compagnie de théâtre de La Banquette arrière depuis 2002.

Les 16 et 17 décembre, on pourra la voir dans le solo Féministe pour homme à la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre. Cette interprétation sportive aborde le féminisme et les relations hommes-femmes dans notre société de performance. Il s’agit d’une pièce de Noémie de Lattre, adaptée pour le Québec par Rébecca Deraspe et mise en scène par Alix Dufresne.

Portée par cet élan féministe, Sophie Cadieux avait envie de nous présenter des femmes qui transforment la société par l’art, avec une émouvante douceur.


Humour et entretiens – Noémie de Lattre

L’actrice parisienne Noémie de Lattre est une figure du féminisme en France. Plus particulièrement depuis la publication en 2016 de l’essai Un homme sur deux est une femme : en string et en colère, dans lequel elle partage ses coups de gueule et ses réflexions. L’année suivante, elle écrit et joue le solo Féministe pour homme, un spectacle burlesque abordant entre autres la charge mentale, le patriarcat et le plaisir féminin, pour lequel elle est nommée pour un prix Molière. Elle fait paraître en 2022 Journal : l'histoire de mon cœur et de mon cul chez les éditions Albin Michel.

Alors que Sophie Cadieux reprend le solo théâtral de Noémie de Lattre dans une version adaptée pour le Québec, qui délaisse le cabaret pour la salle d’entraînement, la Québécoise réalise qu’elle suivait déjà la Française sur les réseaux sociaux.

« Sur Instagram, elle a un segment vraiment intéressant qui s’appelle Dans mon bain, où elle s’interroge sur la place des femmes, la violence, etc. Elle reçoit des femmes dans sa baignoire et elles ont des discussions sans tabous, qui explorent des zones grises et qui densifient le rapport qu’on peut avoir avec certains sujets. C’est très convivial, rafraîchissant, fait avec beaucoup d’humour et j’apprends des choses. »

Curieux?

  • Suivez Noémie de Lattre sur Instagram.
  • Voyez-la dans cet extrait de la version française de Féministe pour homme.
Noemie de Lattre
Noémie de Lattre (crédit : Lou Sarda)


Arts visuels – Erin Vincent

Erin Vincent est une artiste visuelle de Toronto dont le travail s’articule autour d’une variété de matériaux, assemblés par répétition et variation. Elle s’intéresse à l’intensité émotionnelle, à l’intuition et aux relations entre les êtres et entre les objets. Elle crée des sculptures, des installations et des œuvres murales engageantes et engagées, très texturées, organiques et généralement monochromes.

« Mon chum m’avait montré une image d’une œuvre d’Erin Vincent, puis on est tombé en amour avec une autre œuvre d’elle qu’on a achetée. La réalisatrice Sophie Deraspe, une amie, a fait la même chose que nous sans qu’on se soit consultés. C’est très bizarre et très beau, cette concordance. Je crois que cette artiste touche à quelque chose dont on a besoin », raconte Sophie Cadieux. Sa nouvelle acquisition est une forme créée par pliage, faite de papiers d’archivage et de papier de soie de magasins. « C’est une œuvre de lenteur, de fragilité, un pied de nez à l’époque, au rythme dans lequel on vit. »

L’actrice collectionne depuis qu’elle est sortie de l’école de théâtre. Elle achetait alors des photos et de petites œuvres dans les cafés. « Aujourd’hui, je collectionne un peu plus sérieusement. Ça m’apporte énormément de pouvoir vivre avec des œuvres qui sont à la fois très fortes et qui restent ouvertes. Dans la lumière du jour, elles bougent, se métamorphosent, vivent au diapason de ceux qui les regardent », explique celle qui a été la première porte-parole de la Foire Papier, un événement pour les collectionneurs néophytes ou aguerris qui rassemble les galeries d’art actuel chaque année à Montréal.

Erin Vincent - Black current
Œuvre "Black current" d'Erin Vincent

Cette sensibilité esthétique de longue date trouve un écho dans ses mises en scène : « J’essaie de créer des espaces qui sont dans l’évocation, j’aime beaucoup l’architecture et la puissance des lignes, ce qui m’a le plus motivée à passer de l’autre côté de la table de répétition ».

Curieux?


Roman graphique – Catherine Ocelot

L’autrice de bande dessinée et illustratrice québécoise Catherine Ocelot aborde avec beaucoup de finesse les thèmes de la réussite et de la santé mentale dans ses livres. Lauréate d’un prix Bédélys en 2018 pour son album La vie d’artiste, elle fait paraître en 2022 Symptômes, « une courtepointe poétique autour de questionnements sur notre conception de la santé », décrivait Le Devoir.

Sophie Cadieux, qui a animé l’émission Québec BD consacrée au 9e art d’ici, est une fervente lectrice de romans graphiques. « Avec leur écriture souvent très proche de la poésie, un narratif très ouvert, des images déconnectées de la réalité, ils créent des bulles essentielles à ma vie. Ça me donne l’impression de partir en voyage. C’est souvent une expérience de lecture en un souffle, ininterrompue. »

Les dessins d’Ocelot dans le Elle Québec et l’exposition qu’elle a présentée à la Cinémathèque québécoise l’ont touchée, mais c’est réellement avec Symptômes qu’elle a eu un coup de cœur pour la bédéiste. « L’hypocondrie, l’anxiété, la solitude, les questionnements de la création y sont traités de façon ouverte, avec un côté fantastique. Il y a de l’empathie, de la compassion, de la fragilité, mais aussi de la force et de la lumière dans ses dessins », expose l’actrice, également fan de Liv Strömquist, une autre bédéiste qui revisite l’histoire d’un point de vue féministe.

Symptomes

Curieux?


Musique – Pomme

L'autrice-compositrice-interprète Pomme fait déjà de la musique depuis plusieurs années lorsqu’elle reçoit le prix Album révélation de l’année aux Victoires de la musique pour Les Failles, en 2020. De fait, l’année suivante, elle est sacrée Artiste interprète féminine de l’année.

Sophie Cadieux a découvert la musicienne française en écoutant les duos qu’elle a faits avec Safia Nolin. Elle a été happée par sa grande maîtrise vocale, sans fioritures.

« Je trouve qu’il y a une unicité particulière dans ce petit brin de femme-là. Elle amène tout un univers visuel avec elle et elle ne veut pas plaire à tout prix. J’aime le côté très crafty de ce qu’elle fait. » La comédienne aime endormir son garçon avec la chanson Grandiose de Pomme, qui parle de l’idée de porter la vie en soi, et savoure les audacieux arrangements vocaux de son nouvel album, consolation.

Consolation de Pomme
Pochette de l'album "consolation" de Pomme, sorti en 2022

Elle trouve dans la jeune autrice-compositrice française un certain reflet d’elle-même. « J’aime sa voix féminine excessivement affirmative sous des airs de douceur enfantine, peut-être parce que c’est proche de ce que je suis, avec ma petite voix », note-t-elle.

Curieux?

  • Écoutez Pomme chanter sa pièce Grandiose aux Victoires de la musique.
  • Lisez cet entretien dans Clin d’œil.


Théâtre – Marie Brassard

Autrice, metteure en scène et actrice, Marie Brassard a travaillé en étroite collaboration avec Robert Lepage pendant 15 ans avant de présenter un premier solo, Jimmy, créature de rêve, en 2001. La réception enthousiaste de cet objet théâtral saisissant et atypique la convainc de fonder sa propre compagnie, Infrarouge. Depuis, en collaborant avec des artistes de différentes disciplines, elle crée des spectacles aux atmosphères surréelles, où la vidéo, la lumière et le son occupent une place centrale.

« Pour moi c’est un esprit libre, indique Sophie Cadieux. Ses récits sont en dehors du monde, entre le rêve et le cauchemar. Elle travaille avec des micros, des changements de voix, des designers, des musiciens sur scène. Elle ne prend jamais le théâtre par où on l’attend. »

À l’invitation de Sophie Cadieux, Marie Brassard met en scène en 2013 un premier texte qu’elle n’a pas écrit elle-même : La fureur de ce que je pense, d’après l’œuvre de Nelly Arcan. Le spectacle est présenté à l’Espace GO, au Théâtre français Centre national des arts d’Ottawa et au Grand Théâtre, dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec. « Elle a pris mon idée à bras le corps et en a fait le spectacle », note Sophie Cadieux.

Sophie Cadieux dans La fureur de ce que je pense
Sophie Cadieux dans la pièce "La fureur de ce que je pense" au Grand Théâtre (mai 2017)

De Violence, le plus récent spectacle de Marie Brassard, notre curieuse de culture retient la totale liberté de l’artiste, complètement investie dans sa création. « Dans le contexte actuel où on pense beaucoup aux impératifs de production et à qui on s’adresse, il y a beaucoup de choses qui sont dans le chemin du premier élan. Souvent, c’est comme si on était déjà en train d’écrire le programme du spectacle avant de le créer. Marie affirme haut et fort : “Je suis l’artiste, je fais ce que je veux.” »

Curieux?


Cinéma – Monia Chokri

L'actrice et cinéaste Monia Chokri a été de la première mouture de La fureur de ce que je pense. Au cinéma, elle a joué dans L’Âge des ténèbres de Denys Arcand et dans Les Amours imaginaires de Xavier Dolan, qui ont tous deux été présentés au Festival de Cannes.

« Je trouve qu’elle a vraiment trouvé sa voix en cinéma, souligne Sophie Cadieux. D’abord comme actrice, c’est vraiment un médium qu’elle a super bien apprivoisé. Maintenant, comme cinéaste, elle fait des œuvres sans compromis. »

Sophie a joué dans le premier court-métrage de Chokri, Quelqu’un d’extraordinaire. « C’était la première fois qu’elle réalisait, mais son aplomb, sa conviction et sa façon très particulière de construire les images étaient déjà très affirmés. Elle embrasse vraiment beaucoup la forme, elle veut dire des choses par la rapidité de son montage, par ses angles de caméra. »

Depuis, Monia Chokri récolte les honneurs comme réalisatrice. Pour son film La Femme de mon frère, elle remporte le Prix Coup de cœur du jury de la section Un certain regard du Festival de Cannes 2019, alors que Babysitter a été sélectionné dans la section Midnight du festival du film de Sundance plus tôt cette année.

« Elle a vraiment fait un travail très personnel sur cette prise de position ultra féministe et troublante sur l’insidieux pouvoir de l’homme dans la cellule familiale. Elle amène le débat avec une finesse et formellement, c’est coloré, structuré, avec des plans ultras léchés. »

Affiche du court-métrage "Quelqu'un d'extraordinaire"

Les deux comédiennes ont été diplômées du Conservatoire d’art dramatique de Montréal à quelques années d’intervalle. Elles ont toutes deux fait de l’impro et passent de la scène aux plateaux de tournage. « On a de belles discussions par rapport à la création, à s’affirmer, à choisir ses combats, à se faire entendre et se faire confiance. On s’aide à garder le cap de ce qu’on pense être la bonne chose sans se laisser influencer par les autres. »

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