Le Grand Théâtre : 50 ans d'histoire
En 2021, le Grand Théâtre de Québec célèbre ses 50 ans. Si le lieu a fortement contribué à l’essor de la vie culturelle dans la Capitale, il a aussi sa propre histoire qui vaut la peine qu’on s’y attarde. Petit retour dans le temps…
Les débuts du Grand Théâtre
L’aventure commence en 1963. Alors que la Révolution tranquille transforme graduellement le Québec, le premier ministre Jean Lesage convainc le gouvernement fédéral de bâtir à Québec un « monument » commémorant le centenaire de la Confédération en 1967. Après tout, Charlottetown avait bien eu son Confederation Center of the Arts…
Un comité consultatif dirigé par Georges-Émile Lapalme, ministre québécois des Affaires culturelles, émet ses recommandations quant à la forme que prendra cet édifice : il devra abriter une salle d’opéra et de concert, une autre destinée au théâtre ainsi qu'héberger le Conservatoire de musique de Québec.
Après de nombreuses tergiversations, on décide de construire le tout à proximité du Parlement, pour vitaliser la colline parlementaire et profiter de son achalandage à la fermeture des bureaux. L’espace réduit sur lequel doit s’élever l’édifice est toutefois une contrainte importante. Au terme d’un concours d’architecture, le jury international retient le projet de Victor Prus. Ce dernier propose un bâtiment compact logeant deux salles de spectacle polyvalentes, superposées et isolées des bruits extérieurs par les foyers qui les entourent. Quant au Conservatoire, il est déployé sur deux paliers souterrains au centre desquels se trouve une cour extérieure encaissée. L’architecte privilégie l’utilisation de matériaux bruts (d’où l’appellation « bâtiment de style brutaliste »), comme le béton.
La murale de Jordi Bonet
Victor Prus confie ensuite au sculpteur Jordi Bonet la conception et la réalisation d’une murale ornant trois des quatre murs intérieurs du bâtiment, du plancher au plafond. Lors de son lancement, l’œuvre a fait scandale en raison des mots du poète Claude Péloquin qui y sont gravés : « Vous êtes pas écœurés de mourir bande de caves! C'est assez! ». Certains détracteurs ont même réclamé qu’on efface ces paroles, jugées vulgaires. S'en suivra un important débat sur la liberté d'expression artistique au Québec. Heureusement, 50 ans plus tard, la murale demeure toujours intacte et toujours aussi actuelle. On peut encore aujourd’hui l’admirer sous tous ses angles tout en bonifiant l'expérience grâce à l'application mobile Jordi.
D’où vient le nom du Grand Théâtre ?
Québec est la seule capitale francophone en Amérique. Pour faire ressortir cette particularité, on a privilégié une appellation que partageaient déjà plusieurs théâtres réputés à travers la francophonie : le Grand Théâtre.
En 1966, coup de théâtre alors que l’Union nationale est reportée au pouvoir. Fidèle à la doctrine de son ancien chef, Maurice Duplessis, le gouvernement met un frein à plusieurs projets de modernisation de l’État, dont la construction du Grand Théâtre, alors à l’étape d’excavation. Laissé en plan, l’immense trou devient un lac grisâtre à deux pas du Parlement. Ces eaux stagnantes feront couler beaucoup d’encre dans les médias…
Après une pause de plus d’un an, le chantier reprend finalement en septembre 1967, jusqu’à ce qu’une grève de la construction l’interrompe à nouveau à l’été 1969. L’ouverture officielle n’aura finalement lieu qu’en janvier 1971, près de cinq ans après la première pelletée de terre… et quatre ans après le centenaire de la Confédération!
Mission d’intérêt public
La mission du Grand Théâtre consiste à procurer un lieu de résidence aux organismes majeurs, favoriser l’accessibilité aux différentes formes d’art de la scène et promouvoir la vie artistique et culturelle au Québec. Depuis ses débuts, le Grand Théâtre embrasse donc le mandat ambitieux de faire rayonner les différentes disciplines des arts de la scène et les rendre accessibles au public en offrant une grande diversité de spectacles. De l’opéra aux concerts rock, en passant par la musique symphonique, le théâtre, la danse et les spectacles de variétés, le Grand Théâtre a accueilli plus de 18 500 représentations depuis son inauguration, faisant ainsi vibrer le cœur de quelque 15,5 millions de spectateurs.
En plus de faire rayonner le talent des créateurs de tous horizons, le Grand Théâtre contribue à l’essor économique de la région, notamment en soutenant près de 300 emplois et en contribuant au succès de plusieurs entreprises et commerces. Ses retombées économiques sont estimées à 17,9 M$ par année, ce qui en fait un partenaire majeur pour le milieu.
Ayant récemment retrouvé toute sa splendeur grâce à sa nouvelle enveloppe de verre, protégeant ainsi son architecture d'origine de la dégradation du béton, et après une pause involontaire au cours des derniers mois due à la pandémie, le Grand Théâtre ouvre à nouveau ses portes avec grand bonheur. Car célébrer 50 ans d’histoire, c’est bien mieux en présence des spectateurs!
Quand il voit le jour en 1963, le projet se nomme Monument commémoratif du centenaire de la Confédération. Plusieurs noms seront ensuite envisagés, en voici quelques-uns :
- Édifice commémoratif du centenaire
- Centre culturel de Québec
- Conservatoire de Québec
- Théâtre de la Colline
- Place de la Cité (le centre commercial n’existait pas encore)
- Théâtre de Québec (les deux salles auraient alors été nommées Petit Théâtre et Grand Théâtre)
Des personnages historiques ont aussi été pressentis pour prêter leur nom au bâtiment :
- Jean de Biencourt de Poutrincourt (luthiste et fondateur de Port-Royal en Acadie)
- Louis Jolliet (explorateur et premier organiste de la cathédrale de Québec)
- Calixa Lavallée (compositeur de l’hymne national canadien)
- Marc Lescarbot (auteur de la première pièce de théâtre écrite et produite par des Européens en Amérique du Nord)
Plusieurs sites avaient été proposés pour implanter l’édifice :
- Les membres du Centre d’affaires Saint-Roch avaient suggéré « le terrain du parc Cartier-Brébœuf, au centre du quartier le plus populeux de Québec ».
- Les Jésuites avaient proposé le terrain de la villa Manrèse, situé entre le chemin Sainte-Foy et la côte de la Pente-Douce. Ils recommandaient même l’installation d’escaliers roulants permettant au public de la basse-ville d’accéder aisément à l’édifice.
- Wilbrod Bhérer, président de la Commission des écoles catholiques de Québec, avait convaincu le maire de reconsidérer son projet d’implantation d’une nouvelle centrale de police au parc Victoria et de céder le terrain au gouvernement pour que le futur centre culturel forme « le cœur d’un immense parc public destiné au bien-être de la population, à l’avancement de sa culture et à l’avancement des Arts ».
- L’emplacement occupé par la prison de Québec, sur les plaines d’Abraham, a aussi été considéré.
- Il a même été question d’utiliser deux sites historiques du Vieux-Québec : le parc des Gouverneurs et le parc Montmorency.
Après analyse, le comité consultatif a écarté toutes ces propositions :
- Le réseau routier menant au parc Cartier-Brébœuf était insuffisant.
- L’achat et la démolition de la villa Manrèse et de ses dépendances auraient entrainé des coûts trop élevés.
- La présence de voies ferrées en bordure du parc Victoria aurait fait en sorte que « les sifflets des locomotives auraient accompagné la musique de la salle de concert ».
- La construction d’une nouvelle prison aurait entrainé des délais trop importants.
- L’importance de préserver l’intégrité du Vieux-Québec ne permettait pas une telle construction au cœur du quartier historique.
Finalement, l’emplacement choisi est celui que Jean Lesage avait en tête dès le départ, lorsqu’il a entamé ses discussions initiales avec le gouvernement fédéral…
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