Le métier de chef sonorisateur
Quoi de plus intangible que le son? On l’entend, on en sent même parfois les vibrations, mais on ne le voit pas. Or, si la plupart des gens viennent « voir » un spectacle, ils s’attendent tout de même à ce que le son soit impeccable. C’est le défi auquel s’attaquent chaque jour Pierre Forgues et Réjean Julien, chefs sonorisateurs au Grand Théâtre de Québec.
Dans un spectacle, l’appréciation du son est beaucoup question de perception. Comme l’explique Pierre Forgues, chef sonorisateur à la salle Louis-Fréchette, la sonorisation parfaite pour un spectateur ne plaira pas nécessairement à son voisin. « Prenons un spectacle de Jim Corcoran, par exemple. Dans la salle, il y a toujours deux types de clients : ceux qui viennent entendre sa musique et ceux qui veulent écouter ses textes. Question mixage, c’est à l’opposé… Nous, on cherche à répondre à la commande de l’artiste. Mais même quand le son est excellent, ça ne peut jamais satisfaire tout le monde ».
Dans le milieu, beaucoup de sonorisateurs sont aussi musiciens. « Pour bien faire ce métier-là, c’est vrai que ça prend de la technique. Il faut connaître notre affaire, parce qu’on doit vite trouver les réponses à une grande variété de demandes. Mais ça ne suffit pas : il faut aussi une oreille musicale, un senti. Pierre et moi, ça nous sert d’avoir été sur scène et en tournée; on comprend mieux comment traduire les fantasmes des artistes qui viennent se produire ici », précise Réjean Julien, chef sonorisateur à la salle Octave-Crémazie.
L’ironie de leur métier, c’est qu’à mesure que les sonorisateurs gagnent en expérience, ils perdent en acuité auditive. « Si on avait eu au départ le talent qu’on a maintenant, nos oreilles seraient en meilleur état. Quand on commence, on a tendance à monter le son pendant la journée, pour compenser la fatigue auditive qui s’installe. À la longue, ça peut causer des blessures. Nous deux, ça va bien, on est chanceux. Mais on se protège aussi, on fait attention » affirme Pierre Forgues, précisant que personne n’est entièrement à l’abri d’un « accident de son », comme celui qui a fait perdre temporairement l’audition à la chanteuse Lara Fabian sur un plateau de télévision, en 2013. Un son violent avait été envoyé directement dans ses écouteurs, des moniteurs moulés sur mesure et dont l’ouverture est à quelques millimètres du tympan. La pression sonore a été assez forte pour la faire tomber par terre. « Il faut être attentif et prudent » rappelle Réjean Julien.
Lors des spectacles tenus au Grand Théâtre, il y a au moins un sonorisateur dans la salle, qui s’occupe du son destiné aux spectateurs, et un autre en coulisses pour mixer ce qu’entendent les artistes. Car sur la scène, chacun souhaite un mix particulier : le chanteur ne veut pas entendre la même chose que le batteur ou que le guitariste, par exemple. Il faut être à l’écoute, décoder leurs signes en continu et savoir être rassurants au besoin. « Parfois, on n’a même pas encore eu le temps de toucher à la console, que l’artiste nous envoie un pouce en l’air. Juste avec un regard confiant, on peut régler le problème… », dit Pierre Forgues en souriant.
Avant que le rideau se lève, les sonorisateurs ont travaillé fort : choix et installation des équipements, raccordements, tests de son et répétitions permettent d’assurer la bonne marche des opérations pendant le spectacle. Parfois, on fait aussi appel à l’expertise de Pierre et de Réjean dès l’étape de conception, une tâche qu’ils adorent. D’autres fois, les sonorisateurs n’ont même pas l’occasion de faire des tests de son (comme lors du passage de BB King, qui ne faisait pas de répétition). Ils doivent alors faire les réglages en direct, lors de la première pièce… C’est là que l’expérience, la technique et l’oreille prennent tout leur sens!
Musiciens et mélomanes, les deux hommes ont tout de même parfois besoin de silence. Comme l’explique Réjean Julien : « Des fois, il faut que tu décroches, que tu fasses autre chose. Moi, dès que j’ai du lousse, je vais dans le bois. Il y a plein de sons, mais rien d’électronique. Dormir la fenêtre ouverte, en entendant seulement le vent et les oiseaux, c’est le fun! ».
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