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50 ans de feu sacré
Depuis 50 ans, le Théâtre du Trident s’est taillé une place toute particulière auprès des amateurs de théâtre. Les grands noms du théâtre québécois qui se sont succédé à sa direction artistique, en y apportant à chaque fois un souffle nouveau et grandiose, y sont très certainement pour quelque chose.
On a qu’à penser à la fougue de Paul Hébert, qui, le premier, rêva d’établir à Québec une institution théâtrale digne des grandes maisons européennes. Puis ensuite à Guillermo de Andrea qui mit tout en place pour créer un lien fort entre le Trident et son public. Ce fut ensuite le tour de Roland Lepage, qui avait à cœur d’offrir aux artistes de Québec des défis à la hauteur de leurs talents. Puis passa Serge Denoncourt pour qui l’authenticité artistique était primordiale. Il fut suivi par Marie-Thérèse Fortin qui fit non seulement une grande place aux femmes mais aussi à la création. Quand Gill Champagne suivit, le public s’est vu offrir des propositions audacieuses dans des tableaux magnifiques. Les directions artistiques du Trident ont tenu bien haut un flambeau allumé d’un feu sacré, qui est passé d’une décennie à l’autre jusqu’à Anne-Marie Olivier.
En 2012, à son arrivée à la direction artistique du Trident, Anne-Marie Olivier s’est donné comme mandat de tout questionner. « Je pense que c’est sain de remettre en question les choses, surtout pour une institution qui existe depuis 50 ans. La mission du Trident, c’est d’abord de présenter le répertoire classique. Comment les classiques peuvent résonner très fort? Dans la foulée de tout ce questionnement, j’en suis venue à la conclusion que des pièces comme 1984, ou Les Plouffe, sont des classiques, même si à l’origine il ne s’agit pas d’œuvres théâtrales. On doit nécessairement élargir le concept pour trouver des sujets qui sont brûlants d’actualité en donnant des pièces de résistance au public et des grandes libertés aux créateurs pour leur permettre d’aller au bout de leurs rêves. Une institution comme le Trident se doit de présenter des contenus forts dans des formes qui ne sont pas nécessairement les plus faciles, mais qui ne sont pas non plus hermétiques. Il faut aller dans le théâtre populaire dans le sens noble du terme. Ma notion de ce qui est populaire me vient de mes parents qui étaient enseignants et qui vulgarisaient des sciences. Einstein disait que si tu es incapable d’expliquer un concept à un enfant de quatre ans, c’est que tu ne le comprends pas. Donc pour moi, être populaire, c’est parler à tout le monde et en donner pour l’esprit et le cœur, être intelligent et faire des propositions qui font écho à des enjeux importants de notre société. »
La quête de sens est certainement au cœur du directorat d’Anne-Marie Olivier au Trident. On remarque, dans son choix de programmation, la volonté de présenter des œuvres qui sont en forte résonnance avec la société actuelle. « Si on ne parle pas du monde contemporain, si on n’essaie pas d’en tirer quelque chose, si la question de sens est évacuée de l’art, moi ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, avec le théâtre, c’est de produire de la beauté et de la lumière avec ce qu’il y a de pire. La question de sens est primordiale. Quand on occupe un poste comme le mien, il faut avoir un projet. Pour ma part ce que j’ai voulu faire au Trident, c’est le réchauffer de l’intérieur et l’humaniser. Que tout le monde se retrouve au Trident. Avoir des propositions plus poussées et des propositions pour tous. Le défi de l’organisation c’est de rester pertinent et près de son public. La pertinence, ça ne prendra jamais une ride. »
Audacieuse, certes, mais surtout dotée d’un instinct très sûr, Anne-Marie Olivier peut maintenant compter sur son expérience pour créer un lien fort entre les artistes et le public du Trident. « Il faut qu’il y ait un échange entre la scène et la salle. Un échange électrique, un échange intellectuel. La pire affaire, c’est quand il ne se passe rien. Il faut tout mettre en œuvre, quand on est directrice artistique pour qu’il y ait quelque chose qui se passe. On peut tout faire au théâtre, c’est beau et touchant ce lien qui est créé entre les artistes et le public. J’ai un grand respect pour le public qui vient s’asseoir dans la salle de spectacle pour se faire raconter une histoire. »
Dans son mot de programme de O-71, premier spectacle créé au Trident le 21 janvier 1971, le directeur artistique Paul Hébert terminait en disant « (…) et puis il y a le feu sacré : ce synonyme théâtral du mot ténacité ». 50 ans plus tard, alors que le Trident célèbre son anniversaire en temps troubles, Anne-Marie Olivier, codirectrice générale et directrice artistique, dit, dans son mot d’anniversaire : « On pense à vous, on pense aux artistes et on s’affaire à rester vivant. De report en report, d’un enregistrement à un tournage, de spécialisation en désinfection, à l’invention de nouvelles formes. On n’abdique pas et on célèbre malgré tout, nos 50 ans. » Le feu sacré est là au Trident, plus que jamais.
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