Photo de la chronique
Photo : Charles-Olivier Michaud

Créateur à tête chercheuse, Émile Proulx-Cloutier est interpellé par les démarches où les idées deviennent des matériaux sensibles. Découvrez ses coups de cœur culturels!

L’humanité comme muse

Celui qui nous partage ses coups de cœur et découvertes dans cette nouvelle chronique de la série Curieux de culture apprécie que la beauté jaillisse d’une volonté de révéler l’humanité dans toute sa complexité.

Que ce soit en musique, en littérature ou en cinéma, les pratiques qui font écho à la sienne marient les mots, la mémoire, le territoire et les destins croisés. Porteur de multiples chapeaux, il aime revoir l’ordre habituel des choses. Chacune de ses aventures artistiques comporte une part de risque, qui le mène souvent là où on ne l’attendait pas.

Plongez avec curiosité dans l’univers de l’auteur-compositeur-interprète Émile Proulx-Cloutier, qui présente des supplémentaires de son spectacle À mains nues à la salle Octave-Crémazie, les 7 et 8 avril 2023. L'artiste propose également une version de son spectacle en Concert pour toutes les oreilles, idéale pour les familles, le 8 avril en après-midi!


Musique – Martin Lizotte

Inspiration de longue date d’Émile Proulx-Cloutier, Martin Lizotte l’impressionne tant pour sa maîtrise des claviers que pour son parcours inspirant sur la scène artistique québécoise.

Comme musicien, celui-ci a accompagné de nombreux grands noms, dont Martin Léon, Jorane, Daniel Bélanger, Jean Leloup et Robert Charlebois, en plus d’être le pianiste attitré de la populaire émission En direct de l’univers. Polyvalent, il flirte avec tous les styles — pop, jazz, musique du monde, funk — avec une vivacité et un brin de folie qui lui sont propres.

Ces dix dernières années, il a fait paraître trois albums rassemblant ses compositions : Pianolitudes (2014), Ubiquité, qui lui a valu le Félix de l’album instrumental en 2018, et Sfumato (2022). Il a aussi signé des créations musicales pour des documentaires et des spectacles de cirque.

Curieux?

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Martin Lizotte (crédit : Claude Dufresne)


Musique – Cédric Dind-Lavoie

Contrebassiste de formation, Cédric Dind-Lavoie est un musicien québécois aux multiples talents. Il a joué au sein du trio de jazz expérimental Misc et a un quartet à son nom qui navigue entre jazz, néoclassique et musique du monde. Il a fait paraître deux albums de ses compositions, Mismar en 2015 et 88 en 2018, où il mêle piano, contrebasse, percussions et échantillonnage.

Son dernier projet en lice, Archives, a été lancé au printemps 2022. Il y marie des musiques folkloriques sur bobine ou sur vinyle à des airs ambiants et introspectifs, en faisant revivre un pan méconnu de notre patrimoine musical.

Émile Proulx-Cloutier a beaucoup écouté cet album pendant la création de la pièce Grosse-Île 1847, dans les mots de ceux qui l’ont vécu, présentée au Théâtre de La Bordée cet automne. « Ça m’a touché parce que je sais à quel point le matériau de base [les archives] peut être aride. Il faut prendre la peine de le travailler, de le tailler et de créer un contexte où le public va pouvoir le recevoir. » Il a même fait entendre des pièces d’Archives aux interprètes du spectacle qu’il mettait en scène pour démonter comment, de manière sensible, il voulait que la troupe devienne le relais des voix enfouies de notre passé collectif.

Cédric Dind-Lavoie
Cédric Dind-Lavoie (crédit : Julie Blanche)

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Musique – Jeanne Côté

Le simple Y peut mouiller de Jeanne Côté a capté l’attention d’Émile Proulx-Cloutier alors qu’il écoutait la radio. Il faut dire que la pièce donne envie d’avaler l’horizon et de braver les éléments. Il a ensuite eu un coup de cœur pour la chanson La vague : « C’est une pièce très belle, très bien écrite. Il y a un vrai souffle, là-dedans, un vrai aplomb », note-t-il.

La fille d’Alan Côté, fondateur du Festival en chanson de Petite-Vallée, baigne dans la musique depuis l’enfance et est déjà une autrice-compositrice-interprète prometteuse. Établie à Montréal depuis une dizaine d’années, elle a fait paraitre un EP réalisé par Louis-Jean Cormier en 2019 et étrenne sur scène les chansons de son premier album, Suite pour personne. Elle a été finaliste de Ma Première Place des Arts 2018 et du Cabaret Festif de la Relève 2022.

Curieux?

  • Visionner cette vidéo de Y peut mouiller, filmée au festival de la chanson de Petite-Vallée.
  • Écoutez sa musique et suivez-la sur Bandcamp.
Jeanne Côté @ Anne-Marie Garand
Jeanne Côté (crédit : Anne-Marie Garand)


Slam – Gaël Faye

Pour notre Curieux de culture, le Franco-Rwandais Gaël Faye est une des grandes plumes de la francophonie. « Il a une grande originalité dans le choix de ses sujets. Ça n’arrive pas souvent qu’un slameur va parler de l’ennui des après-midis de quand il était enfant. Il a une chanson sur la beauté de deux vieux qui dansent et sur la beauté, le désir, de devenir comme eux », donne-t-il en exemple.

Évitant de faire la morale et contournant habilement les sujets récurrents du rap, Faye arrive à faire passer beaucoup d’idées de manière sensible et éclatée. « C’est comme regarder un peintre à l’œuvre. Il arrive à générer des réflexions sur la société à partir d’images saisissantes, en employant le langage du rêve. Il a la tête au ciel tout en gardant les pieds au sol. »

L’auteur-compositeur-interprète a fait paraître deux albums studio (Pili-Pili sur un croissant au beurre et Lundi méchant) et trois mini-albums, qui constituent sa « trilogie botanique ». Son roman Petit pays, inspiré de sa vie et publié chez Grasset, a été adapté au cinéma en 2020.

Gaël Faye
Gaël Faye (crédit : Thesupermat CC BY-SA 3.0)

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Essai – Marie-Hélène Voyer

Il y a un moment que L’habitude des ruines (Lux, 2021) de Marie-Hélène Voyer patiente sur la pile de livres à lire d’Émile Proulx-Cloutier. « Je voulais m’y plonger de façon plus assidue parce que tout ce que j’en ai lu, de manière un peu éparse, m’a inspiré. Là, j’ai les deux pieds dedans ! »

Cet essai sur la relation des Québécois avec le patrimoine bâti a été en lice pour les Prix littéraires du Gouverneur général 2022. Il porte le sous-titre « Le sacre de l’oubli et de la laideur au Québec », expose qu’on laisse souvent des décisions à court terme, bêtement rentables et pratico-pratiques, saccager le territoire et dévisager les villes et villages. Une réflexion qui mérite, selon Émile Proulx-Cloutier, de circuler hors des cercles littéraires pour s’inscrire dans un large débat de société.

Enseignante en littérature au cégep de Rimouski, Marie-Hélène Voyer a fait paraître les recueils de poésie Expo habitat et Mouron des champs à La Peuplade, ainsi que l’ouvrage Terrains vagues : Poétique de l’espace incertain dans le roman français et québécois contemporain (Nota Bene, 2019). Se décrivant elle-même comme une « hantée sereine », elle mène ses chantiers d’écriture autour de la ruine, du territoire et de l’inquiétude.

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L'habitude des ruines de Marie-Hélène Voyer


Poésie — Camille Readman-Prud’homme

Comme Tire le coyote, Émile Proulx-Cloutier a été marqué par la lecture de Quand je ne dis rien je pense encore de Camille Readman-Prud’homme. « J’ai l’impression qu’elle nous amène avec elle dans une sorte de tension en mouvement, dans sa relation aux autres, dans le conflit entre ce qu’on essaie d’exprimer et ce qu’on ressent », explique-t-il. « C’est une poésie qui arrive à être très concrète, sans être banale ni dénuée de grands élans. Parfois, il y a des phrases qui font rire parce qu’elles sont immensément justes. C’est le livre que je recommanderais à quelqu’un qui ne lit pas de poésie. »

Paru en mai dernier chez L’Oie de Cravan, l’ouvrage a remporté le prix Alain-Grandbois de l’Académie des arts et des lettres du Québec et le Prix des libraires du Québec. Fouillant les mécanismes d’archivage de la mémoire et des échanges chargés de non-dits, les poèmes de Camille Readman-Prud’homme visent juste. Après avoir complété une maîtrise en création littéraire à l’Université du Québec à Montréal, l’autrice poursuit ses études à l’Université de New York, où elle s’intéresse à l’expression de la vulnérabilité en littérature.

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Quand je ne dis rien je pense encore de Camille Readman-Prud'homme


Arts visuels — Caroline Monnet

Cinéaste et plasticienne, Caroline Monnet est une des cofondatrices du premier centre d’artistes autochtones au Québec, le Centre d’art daphne. Ses origines françaises et algonquines nourrissent une réflexion identitaire complexe, qu’elle aborde de front, avec tendresse et acuité. Ses courts-métrages de fiction Roberta (2014) et documentaire Tshiuetin (2016) ont été nommés aux Prix Écrans Canadiens, alors que Mobilize a remporté en 2015 le prix du meilleur film expérimental au Festival du film de Yorkton, en Saskatchewan.

En arts visuels, son travail se démarque par l’usage de matériaux industriels et par le mariage inusité de symboles des cultures traditionnelles autochtones et de l’imagerie populaire contemporaine. Un aspect qui a fasciné Émile Proulx-Cloutier lorsqu’il a visité l’exposition Ninga Mìnèh, présentée au Musée des beaux-arts de Montréal au printemps 2021. « Elle prend de la laine rose isolante, des tuyaux, du Tyvek, des morceaux de plastique, de feuilles de goudron pour couvrir les toits et les cisèle pour créer des motifs qui évoquent l’artisanat ancestral des premiers peuples », explique-t-il. Le fond et la forme évoquent à la fois les conditions dans lesquelles les premiers peuples vivent aujourd’hui et la persistance d’une mémoire, d’une grandeur, d’un art et d’un savoir-faire. « Devant ses œuvres, la frontière entre ce qui est moderne et ce qui vient du fin fond des âges n’existe plus. »

Exposition de Caroline Monnet
Quelques œuvres de l’exposition "Ninga Mìnèh" de Caroline Monnet (crédit : Denis Farley)

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Cinéma — Jacquelyn Mills

Originaire de l’île du Cap-Breton, la cinéaste Jacquelyn Mills a fait sa marque avec In the Waves, en 2017, puis Geographies of Solitude, en 2022. Les deux documentaires ont raflé de nombreux prix dans les festivals canadiens et internationaux.

Le second a particulièrement emballé Émile Proulx-Cloutier, tant par son sujet que par sa forme. Au Nord de la Nouvelle-Écosse, la cinéaste a suivi une femme qui se consacre depuis des décennies à l’étude de la faune et de la flore de l’île où elle habite seule. « Elle récupère aussi tout ce qui y échoue pour en faire une étude maniaque. C’est une démarche tellement scientifique qu’elle en devient artistique, presque rituelle et sacrée », explique notre Curieux de culture.

Tourné sur pellicule 16 mm, le film est composé d’images exceptionnellement belles et texturées. « Il y a une chaleur, une beauté organique très prenante pour l’œil, note Émile Proulx-Cloutier. Mills a développé des bouts de pellicule dans des bacs remplis de produits à base d’algues, ce qui crée des moments carrément expérimentaux. » Le travail sonore permet aussi d’entendre des bruits de la nature inédits, comme le frottement des pattes d’un insecte. « Pour moi, c’est un voyage immense, que je souhaite à tout le monde de voir. »

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Affiche de Geographies of Solitude
Affiche de "Geographies of Solitude" (par Dylan Haley)


Soyez curieux!

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  • Et surtout, ne manquez pas les supplémentaires de son spectacle À mains nues au Grand Théâtre les 7 et 8 avril en version régulière ou en version Concert pour toutes les oreilles!

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