Un opéra lunaire composé par Catherine Major
Albertine en cinq temps, pièce magistrale de Michel Tremblay, est transposée à l’opéra sur une musique de Catherine Major. La compositrice nous raconte cette incroyable aventure musicale et humaine, que le public pourra voir le 21 avril 2023 à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec.
Vive le collectif
Catherine Major est bien connue pour son travail d’auteure-compositrice-interprète, avec cinq albums à son actif et des spectacles inspirés, où elle passe du micro au piano. Sa carrière se développe aussi au fil de projets collectifs variés, comme Albertine en cinq temps — L’opéra, sa première œuvre lyrique composée à l’invitation de Nathalie Deschamps, qui signe la mise en scène du spectacle.
« Ça m’intéressait d’écrire pour des voix lyriques, puisque je savais que ça me permettrait d’aller ailleurs que quand j’écris pour moi ou pour des voix pop, explique Catherine Major. Et comme, à la base, j’ai une formation classique, ça me permettait de faire honneur à cet apprentissage. »
Sous la lune rouge de Tremblay
Pour amorcer le travail, elle a d’abord relu la pièce de Michel Tremblay. Puis, elle s’est mise à composer la musique, de concert avec les autrices du livret, qui forment le Collectif de la Lune Rouge. Ce joli nom est une référence à l’œuvre de Tremblay, qui mentionne souvent l’énorme lune colorée du mois d’août dans ses romans et ses pièces.
« Les autrices m’ont envoyé les textes au fur et à mesure de l’écriture, donc j’ai un peu créé l’opéra dans le désordre. Quand j’ai eu quelques morceaux, j’ai pu commencer à réorganiser le casse-tête », raconte la compositrice, qui a écrit pour six chanteuses et cinq musiciennes.
Écriture sur mesure
Les rôles à jouer sont ceux d’Albertine à 30, 40, 50, 60 et 70 ans, et de sa sœur Madeleine. Ce qui donne une distribution exclusivement féminine, une rareté à l’opéra. « Il y a une mezzo et cinq sopranos, mais elles ne chantent pas du tout de la même manière sur les mêmes notes, a constaté Catherine Major. J’ai fait les premiers airs un peu à l’aveugle, pendant la pandémie. Lorsque j’ai pu les connaître, j’ai davantage tenu compte de leurs particularités. »
Par exemple, sur l’air « La rage », chanté par Catherine St-Arnaud (Albertine à 30 ans), la compositrice a inclus de nombreuses vocalises qui mettent en valeur sa voix, qui rayonne dans les aigus. « Chaque chanteuse a l’impression que j’ai composé pour elle, constate Catherine Major. C’est ce qui fait la beauté de composer un opéra aujourd’hui, puisqu’habituellement elles chantent des airs écrits depuis des siècles auxquels on ne peut changer aucune note. Il y avait une maniabilité agréable tant pour elles que pour moi dans cette création. »
La compositrice a aussi pris beaucoup de plaisir à faire le maillage entre la langue populaire de Tremblay et les voix puissantes et entraînées des interprètes. « Le joual québécois a quelque chose de très lyrique, puisqu’il y a des o et des a bien ronds, les voyelles qui sonnent le mieux sur les notes longues. À l’opéra, ça fonctionne à fond! »
Musique d’émotions
Pour composer, Catherine Major s’est laissée guider par l’émotion, l’aspect primordial de toutes ses créations musicales. Pendant les représentations qui ont eu lieu au Théâtre du Rideau Vert à l’automne 2022, elle a vu des larmes rouler sur les joues de plusieurs spectateurs, une belle preuve qu’elle a su viser juste. « L’histoire en soi, celle d’une femme qui se voit vieillir, qui est confrontée à elle-même à toutes les étapes de sa vie, et qui a de grands échecs et de grands deuils, est touchante, croit-elle. Il fallait accentuer cet aspect sans l’alourdir, en gardant un côté lumineux. »
Musicalement, dans Albertine en cinq temps – L’opéra, le piano guide la danse, donne du souffle aux pièces et porte en quelque sorte l’âme du personnage central. « C’est mon instrument de prédilection, mais j’ai trouvé ça difficile d’écrire la partition, puisque je ne le fais jamais pour les pièces que je joue », indique Catherine Major. Elle a d’abord ajouté une contrebasse, « qui peut être mélodique, en archet, mais aussi rythmique, lorsqu’on pince les cordes », ce qui en fait le meneur idéal des moments plus dansants. Un violon, un violoncelle et un cor anglais, « qui a un timbre semblable à la voix humaine », complètent le petit orchestre.
Découvrez un extrait du spectacle et de sa musique dans cette vidéo :
Terminer par le début
En écoutant son instinct, la compositrice a eu le souci de créer un opéra qui toucherait les spectateurs d’aujourd’hui. « Je voulais que ce soit accessible, expose-t-elle. J’ai hybridé la musique savante et la musique populaire, puisque la langue et les histoires de Tremblay sont très près des gens. » Elle a cherché à accrocher le cœur et l’oreille des auditeurs avec des mélodies qui restent en tête, puis a entremêlé celles-ci.
« J’ai fini par l’introduction, qui imbrique quatre ou cinq thèmes en 80 secondes. J’ai une douzaine de versions, très différentes les unes des autres », note-t-elle. Elle continue de mettre des moments parlés en musique pour que le chant prenne encore plus de place — les spectateurs qui assisteront à l’opéra au Grand Théâtre entendront d’ailleurs un nouvel air. « Si je m’écoutais, cette œuvre ne serait jamais terminée! », lance Catherine Major, à qui ce projet tient visiblement à cœur.
Impatient? Écoutez vite l’album Albertine en cinq temps-L’opéra, d’ATMA Classique, enregistré au Domaine Forget. Et ne tardez pas à réserver votre place pour ce magnifique spectacle au Grand Théâtre de Québec le 21 avril 2023!
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